C’est avec déception mais sans surprise que j’ai lu le communiqué du ministère en ce qui concerne l’acquisition d’appareils d’échographie pour les institutions hospitalières du Quebec. Le voici:
Acquisition échographes compacts
En effet, le développement de l’échographie au chevet dans les deux dernières décennies est certainement la plus grande avance de la médecine des derniers 25 ans, et ceci ne fait que prendre son essor, et les applications cliniques ne font que s’accroître.
Il est donc triste de voir que le Ministère – en espérant probablement économiser- à du se laisser convaincre par certains membres de l’association des radiologues du Quebec qu’il est critique de limiter le potentiel d’améliorer la rapidité du diagnostique, la précision des interventions et la santé de nos patients.
Il est triste de voir que cette réaction est en fait relié a l’éléphant dans la pièce (celui avec le gros signe du dollar) et vient de ceux parmi les (sinon les) mieux rémunérés de notre profession. Je suis certain que ce n’est pas le cas le cas de tous, mais au moins d’une majorité de leur association. Certainement il y a l’expression superficielle de l’inquiétude de la qualité de l’acte, mais c’est une intéressante coïncidence que cette inquiétude fasse surface alors que certains groupes viennent justement d’obtenir le droit de facturer pour des examens limités. De toute façon, la qualité de l’acte s’assure via l’éducation et la vérification, pas avec l’interdiction d’obtention de matériel.
Il est aussi triste de voir le manque de compréhension du sujet par ces groupes. Pour chaque demande d’examen complet qui est peut-être évitée, il y en a au moins une sinon plus qui est nouvellement faite comme nous (échographes au chevet) trouvons de la pathologie qui n’était pas suspectée, et que nous voulons avoir un examen complet et formel.
Ca fait au delà de 13 ans que je fais de l’échographie au chevet, et maintenant 7 ans que je l’enseigne dans divers environnements, autant au chevet avec résidents, étudiants ou collègues que sous le chapiteau de formations officielles (ICCU, CAE, CCUS). La pratique de l’échographie au chevet me ralentit un peu, mais résulte en une évaluation du patient beaucoup plus robuste et précise. Il a été clairement démontré que des étudiants en médecine avec une semaine d’enseignement sont nettement meilleurs que des cardiologues munis de stéthoscopes seuls. Les résidents et étudiants font maintenant la file pour faire un stage à l’USI chez nous parce qu’ils savent que c’est un des seuls endroits ou ils auront l’occasion de faire de l’écho au chevet à Montréal.
Et jusqu’à maintenant, je n’ai pas facturé une “cenne noire.” Aujourd’hui, en tant qu’interniste, je peux facturer un examen limité pour – asseillez-vous – 10$, à un maximum de 5 (total, non pas par patient) par semaine. Un gros 50$. Honnêtement, ca ne vaux pas le temps qu’il me faudrait pour faire les rapports officiels – chaqun de mes patients est examiné avec échographie. Heureusement, les omnipracticiens ont réussi à obtenir un forfait un peu plus raisonnable (20$ par examen, max de 2 par jour, si je ne me trompe pas). Pas la “mer à boire.”
Ce que le ministère espère economiser, il le paie bien plus en délai et erreur de diagnostique et en durée de séjour, pour ne pas mentionner le prix que les patients paient, eux.
C’est tout a fait déplorable que les cliniciens de première ligne – ainsi que la médecine en tant que science – se fasse mettre les batons dans les roues de telle facon, surtout sous la guise de qualité de l’acte. Ne soyons pas naïfs.
D’autant plus que le Quebec, ayant beneficié de quelques pionniers dans le domaine ainsi qu’une attitude plus progressive que le reste de l’amérique du nord, est certainement aujourd’hui parmi les endroits au monde ou l’échographie au chevet est la plus utilisée. Rembrouons-nous plutôt parmi les masses.
Quoi faire?
En fait, c’est assez simple. Ceux dont les hopitaux n’ont pas encore munis d’appareils dédiés devraient commencer a demander des échographies formelles a chaque fois que l’on a besoin d’une réponse simple. Si il faut trois examens pulmonaires pour s’assurer de voir la disparition des lignes B avec la diurèse, ou bien quatre examens de la veine cave pour assurer la qualité de la reanimation liquidienne, faisons les radiologues venir au chevet. STAT. Le cout? Aucune inquiétude, il s’agit ici de la qualité de l’acte. Euh…y-a-t’il une limite aux examens sur le meme patient? Peu importe, si c’est nécessaire, qu’il les fassent gratuitement, ou bien qu’ils renégocient avec le ministère. Trois heures du matin? STAT: Peu importe, c’est la qualité de l’acte qui compte, non? Quoi, le département ne peux plus fournir? Allons voir le DSP et le CMDP, il nous faut plus de radiologues, et probablement une liste de garde en établissement. Désolé, ministère, ca va côuter un peu plus qu’une ou deux machines d’echographie par hôpital…
Dans quelques semaines, on devrait voir alors l’envers du décor.
Quand au radiologues, ne faites pas partie de cet obstacle honteux au progrès de la médecine, de façon voulue ou non. Parlez a votre association, et aidez-nous plûtot à établir des normes et à entrainer les étudiants et résidents, peu importe leur spécialité.
Philippe Rola
Interniste et Chef de Service, Soins Intensifs
Hôpital Santa Cabrini